L'Assemblée nationale a entamé, le 9 septembre, l'examen en première lecture du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement. Celui-ci contient plusieurs avancées importantes, dont la revalorisation de l'allocation personnalisée d'autonomie (375 millions d'euros), le développement de la prévention, la réforme des logements foyers, le "droit au répit" pour les aidants familiaux ou encore l'adaptation des logements au vieillissement (pour le contenu détaillé du texte, voir nos articles ci-contre du 12 février, 6 juin et 31 juillet 2014). Pas moins de huit séances sont programmées pour procéder à l'examen de ses 66 articles et des quelques 700 amendements déposés par les rapporteurs et les députés.
"Un projet de loi de progrès"
Malgré ce nombre élevé d'amendements - qui seront loin d'être tous défendus -, la discussion générale s'est engagée dans un climat plutôt consensuel. Après avoir rappelé les principes qui ont guidé l'élaboration du texte, Marisol Touraine a reconnu entendre "dire, parfois, que les propositions qui sont faites ne sont pas suffisantes, mais je tiens à souligner que la loi que nous proposons est responsable, puisque n'y figurent pas d'engagements qui ne pourront être tenus". Une allusion au financement garanti du projet de loi, qui s'appuiera sur la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa), mise en place depuis déjà 18 mois (voir notre article ci-contre du 2 avril 2013).
Elle a également insisté sur le rôle qu'a tenu la concertation - notamment avec les élus des conseils généraux - dans la préparation de cette réforme. Pour la ministre des Affaires sociales et de la Santé, "c'est un projet de loi de progrès social, d'amélioration de la vie quotidienne, qui devrait nous rassembler". Puis Laurence Rossignol - la secrétaire d'Etat chargée de la Famille, des Personnes âgées et de l'Autonomie - a passé en revue les principales dispositions du texte.
La question de la gouvernance toujours pendante
De son côté, Martine Pinville, la rapporteure de la commission des affaires sociales, a rappelé que ce projet de loi "ne constitue qu'une première étape dans l'accompagnement de la perte d'autonomie" (voir notre article ci-contre du 8 septembre 2014), mais qu'il représente néanmoins "un marqueur important dans l'édifice de notre modèle social".
Elle a également rappelé que "des interrogations persistent concernant la gouvernance territoriale des politiques de l'autonomie", puisque les dispositions sur les nouvelles instances de gouvernance au niveau local, présentes dans le texte initial soumis pour avis au Conseil économique, social et environnemental (Cese), "ne figurent plus dans le texte du projet de loi, en raison de l'engagement de la grande réforme territoriale attendue par nos concitoyens". Une situation qui déplait fortement à l'Association des départements de France (voir notre article ci-contre du 5 septembre 2014).
Pour l'opposition, "des avancées intéressantes"
Si l'opposition ne devrait pas voter le texte - pas plus qu'en commission des affaires sociales (voir notre article ci-contre du 30 juillet 2014) -, elle ne devrait pas non plus lui opposer un tir de barrage. L'UMP a même tenu à annoncer qu'elle déterminera son vote en fonction des débats et du sort réservé à certains amendements. Elle a aussi admis "des avancées intéressantes sur l'APA [allocation personnalisée d'autonomie] et l'hospitalisation à domicile", tout en regrettant l'absence de création d'une cinquième branche de la sécurité sociale.
Pour répondre aux accusations de Marisol Touraine, constatant que "pendant plus de dix ans, l'urgence [d'une réforme de la dépendance, Ndlr] a été affirmée, et même proclamée, mais sans qu'aucune volonté politique ne s'impose pour apporter les solutions attendues", l'opposition a tenu à rappeler des mesures comme la création de la Journée de solidarité et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ou la revalorisation de 25% du minimum vieillesse.
Contrairement à l'UMP, le groupe UDI - par la voix de Philippe Vigier - a d'emblée annoncé qu'il voterait contre le projet de loi, considérant qu'"il n'y a strictement rien dans ce texte" et dénonçant le manque de moyens affectés à la réforme.
Un financement assuré
A l'issue de la discussion générale, Marisol Touraine s'est félicitée de son caractère plutôt consensuel et a tenu à "souligner le caractère très constructif des débats qui viennent d'avoir lieu". Elle a également apporté quelques précisions intéressantes sur les questions soulevées au cours de la discussion. Elle a ainsi confirmé l'objectif d'une entrée en vigueur de la loi au 1er juillet 2015 (voir notre article ci-contre du 10 juillet 2014), "si bien que l'ensemble des moyens dégagés pour permettre son application doivent être mobilisés très rapidement". Cela suppose notamment de régler le cas de la Casa, qui doit apporter les 645 millions d'euros de financement prévus pour la mise en œuvre de la réforme.
La Casa a certes le grand mérite d'exister, puisqu'elle a été mise en place le 1er avril 2013 pour anticiper les besoins de financement de la dépendance. Mais, depuis cette date, elle est en réalité affectée pour l'essentiel au comblement du déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Son basculement sur le financement de la dépendance ne pose aucune difficulté juridique ou technique, mais il faudra que le gouvernement trouve une autre solution pour le FSV.
Dépendance en Ehpad : un débat, mais pas de loi
Interrogée à plusieurs reprises sur le second volet de la réforme - celui de la prise en charge de la dépendance en établissement -, la ministre des Affaires sociales a "entendu les regrets et les attentes". Devant la pression, elle a concédé que "le débat sur les Ehpad va, de toute évidence, avoir lieu, même si la loi ne porte pas sur l'accueil en établissement". Pour en garder la maîtrise, Marisol Touraine a toutefois tenu à prendre les devants en annonçant la réunion, "à la fin de ce mois de septembre", du groupe de travail chargé de réfléchir à la question du reste à charge en établissement.
Les perspectives d'une adoption d'un texte sur ce second volet de la réforme au cours du présent quinquennat semblent cependant de plus en plus lointaines. Au motif du rétablissement préalable de la situation budgétaire déjà avancé à plusieurs reprises (voir notre article ci-contre du 8 septembre 2014), la ministre des Affaires sociales a en effet ajouté des motifs d'opportunité. Elle a notamment affirmé : "Je n'occulte pas la question du reste à charge, mais je tiens à dire qu'il n'y a pas, dans notre pays, de personnes qui ne puissent être accueillies en établissement pour des raisons financières." Une façon de minimiser l'importance du volet de la réforme de la dépendance en Ehpad et d'en remettre en cause la nécessité.
Réforme de la dépendance en Ehpad ou réforme de l'aide sociale ?
Plutôt qu'une réforme de la dépendance en établissement, Marisol Touraine semble plutôt pencher pour une réforme... de l'aide sociale des départements. Une orientation qui pourrait à nouveau irriter ces derniers, privés du volet du projet de loi relatif à la gouvernance, mais sommés de réformer l'aide sociale aux personnes âgées.
La ministre estime ainsi qu'"on peut souhaiter que l'aide sociale s'applique dans des conditions différentes ou que l'on réfléchisse aux personnes mises à contribution - il y a ainsi des départements, le mien par exemple, qui ont d'ores et déjà 'sorti' les petits-enfants de l'obligation d'aide sociale. Toute une réflexion reste à mener, mais ne faisons pas comme s'il y avait aujourd'hui dans notre pays des hommes et des femmes qui ne pouvaient être accueillis dans des établissements pour personnes âgées parce qu'ils n'auraient pas les ressources nécessaires".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, examiné en première lecture à l'Assemblée nationale du 9 au 17 septembre 2014.
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